Nous avons tendance à considérer la Scandinavie comme le doyen de la social-démocratie, de la politique libérale et des idéaux humanistes, et cette réputation découle d’un demi-siècle de leadership mondial en matière de pensée progressiste. Cette réputation est due en partie à la longue résistance de la région aux limites du capitalisme qui ont été imposées de l’autre côté de l’Atlantique, souvent par le biais de l’influence britannique en Europe. Une manifestation de cette attitude socialement responsable est le fait que le logement a traditionnellement été considéré dans les pays scandinaves comme un bien social plus qu’une classe d’actifs, et que par conséquent, les gouvernements successifs ont essayé de dominer le marché immobilier et de l’empêcher de devenir un moyen de spéculation volatile.
Mais, il semble que la longue bataille ait finalement été perdue au tournant du siècle/millénaire, et l’immobilier en Scandinavie ne concerne plus uniquement le logement et est devenu une forme d’investissement populaire. Si l’on ajoute à cela des économies raisonnablement florissantes ces dernières années et une croissance démographique rapide grâce à l’immigration, les marchés du logement de la Norvège et de la Suède, en particulier, ont passé la majeure partie de la dernière décennie à se développer rapidement en termes de ventes, de construction et de prix. Cela est vrai tant pour l’immobilier commercial que pour celui résidentiel, et a été le plus marqué dans les capitales de Stockholm et d’Oslo, cette dernière étant depuis quelque temps déjà la métropole d’Europe qui connaît la croissance la plus rapide.
Nouvelles réalités
Le dynamisme était tel qu’un domaine souvent négligé par les investisseurs internationaux les a attiré en nombre, et le résultat s’est traduit par un niveau de croissance et des hausses de prix qui sont, inévitablement, difficiles à maintenir. En Suède, par exemple, les prix de l’immobilier ont augmenté de plus de 50 % en cinq ans et sont aujourd’hui en moyenne 70 % plus élevés que lors du pic d’avant la crise. Il semble qu’il y ait eu trop d’air dans la bulle immobilière scandinave, ce qui a conduit les analystes – y compris ceux de Goldman Sachs – à prédire une contraction corrective du marché à court terme qui, selon eux, sera suivie d’une période de relative stagnation. En d’autres termes, pour l’instant, le dynamisme a disparu des marchés immobiliers scandinaves et il vaut mieux chercher des opportunités ailleurs.
Cela dit, la baisse de 10 % prévue des valeurs immobilières est effectivement une correction, et non une crise à part entière, mais le problème réside non seulement dans les prix immobiliers trop élevés, mais aussi dans le phénomène plus inquiétant de l’endettement élevé. C’est une autre caractéristique que nous n’associerions normalement pas aux pays scandinaves, mais la facilité avec laquelle les hypothèques et autres formes de financement ont été accordées ces dernières années a entraîné une hausse des niveaux d’endettement – qui sont aujourd’hui à leur plus haut niveau depuis que la Scandinavie a commencé à se remettre de sa crise bancaire au début des années 1990. Les ratios dette/revenu n’ont cessé d’augmenter, et en 2016, les autorités suédoises ont décidé que le moment était venu de prendre des mesures pour freiner ce qu’elles considéraient comme une menace potentielle.
La Suède avait créé sa propre situation future en matière de subprimes en inversant la situation du prêt au remboursement, et de nouvelles règles plus strictes de remboursement des emprunts hypothécaires ont été introduites qui ont augmenté les contributions de dépôt en espèces dans les achats de biens immobiliers et ont obligé les débiteurs à rembourser le capital plus rapidement. Cette évolution s’est avérée décisive pour le marché qui, sans le turbo des années précédentes, s’est pratiquement arrêté. Il y a une réaction retardée entre les facteurs de l’offre et de la demande et la réponse des prix, mais ces derniers ont déjà commencé à baisser, et il semble maintenant que le secteur immobilier scandinave ait quelques années difficiles devant lui en raison d’un ralentissement contrôlé/induit qui aurait pu éviter un plus grand krach. Cela étant dit, certains experts sont plus positifs en ce qui concerne les perspectives de celui-ci, arguant que les indicateurs macro-économiques, combinés à la perspective de taux d’intérêt bas à long terme et d’un faible taux de chômage, signifient qu’un atterrissage beaucoup plus doux est en vue pour le marché.
Les scandinaves disposant de liquidités et de capitaux propres et ils sont encore nombreux, vont simplement détourner leur attention de leur marché national et se concentrer davantage sur les possibilités offertes ailleurs, dans des pays comme l’Espagne, par exemple. Les économies scandinaves continuent de bien se porter, de sorte que le ralentissement se limite surtout aux secteurs de l’immobilier et de la construction, même s’il aura bien sûr aussi un impact sur les banques. Comme toujours, le segment inférieur à moyen du marché est le plus fortement touché, notamment les acheteurs les plus modestes, de sorte que les acquéreurs plus aisés trouveront aussi bien des possibilités d’achat au comptant dans leur pays que des opportunités d’investissement intéressantes à l’étranger. Les ventes d’Ikea sur leur marché national pourraient également baisser, mais pour des pays comme l’Espagne, la situation en Scandinavie pourrait en fait annoncer une occasion d’attirer encore plus d’acheteurs scandinaves sur ses côtes ensoleillées.
Par Adam Neale | Nouvelles de l’immobilier | 8 novembre 2018
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